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Chronique de disque
DIIV - Is The Is Are

09 février 2016
Rédigé par Florian Sallaberry

 

 

DIIV - Is The Is Are

Sortie le 05/02/2016

Note : 4/5

 

 

On se souvient d'Oshin, premier album de DIIV, paru en 2012. Un vrai album de guitares planantes. On les croise à la Grande Halle de la Vilette, où ils jouent leur rock popesque bourré de références. On pense alors aux Smiths ou aux plus récents Real Estate. Et on est charmés par leur allure de fougueux adolescents, cheveux gras et casquette à l'envers. Et puis on les perd un peu de vue. Plus tard, on entendra des histoires : Le leader du groupe Zachary Cole Smith, sa dulcinée Sky Ferreira, de l'héroïne et une arrestation.  Ou encore, le bassiste du groupe David Ruben Perez et ses propos peu glorieux sur 4chan.

Des histoires, des histoires ...

Et puis cet album, enfin : Is The Is Are. Le nom de l'album assez énigmatique et la pochette peu évoquatrice (un patchwork de gribouillis ?) semblent se référer à l'état de trip permanent dans lequel se trouve Zachary. Dès les premières notes de Out Of MindDIIV confirme son goût pour les guitares et nous offre une ligne mélodique démente. Et c'est ce genre de phrase musicale qui nous accompagne dans les premiers morceaux du second album du quintet de Brooklyn ; ces phrases mélodieuses et harmoniques qui s'impriment dans la tête. Et l'on pense à Johnny Marr, aux guitares de This Charming Man ou Bigmouth Strikes Again. De ces morceaux dont la mélodie s'est accrochée à nos neurones et font naître une foule de sentiments diverses, de la mélancolie à l'euphorie. Les trois premiers morceaux de l'album en sont l'illustation parfaite, d'ailleurs la voix de Smith vient souvent épouser la guitare pour offrir plus de résonnance aux harmonies des compositions.  

Le chant du leader de DIIV fait écho à nos nombreuses idoles. Tantôt épuré, à la limite du shoegaze dans Under The Sun, où l'on semble entendre Kevin Shields ou alors très branleur-plaintif, dans Bent, comme un Mac DeMarco sous Prozac. Sur le titre Is The Is Are, c'est bien plus énervé, accompagné par une guitare qui lorgne du côté du punk ; on comprend tout d'un coup les références évidentes au Bad Moon Rising de leurs glorieux aînés dans le son saturé qui accompagne cette partie de l'album. Impression confirmée par le très torturé Mire et sa guitare agonisante qui réveille des douleurs enfouies. 

Et c'est finalement entre deux états, tantôt popeux-cordes-pincées, tantôt énervé-guitares-saturées que le son du groupe évolue sans jamais finalement se placer. Au milieu de tout cela, la cinquième piste en duo avec Sky Ferreira lui offrant une facette que nous ne connaissions pas, un peu dégoûtés par sa pop-R&B, péché mignon des hipsters de Williamsburg. Cette posture grunge lui va à merveille, permettant de découvrir une excitation toute nouvelle dans son chant tout en tension sexuelle. Assez étrangement, le morceau est suivi une toute douce ballade dédiée à l'égérie pop. On croise aussi l'énigmatique interlude (Fuck), comme un aveu de morceau avorté. Ou encore, on s'évapore au son de la géniale ballade Loose Ends, aérienne et splendide avant de se retrouver, deux morceaux plus tard, la tête dans le sable, dans le poussérieux Dust, dont la sécheresse nous fait plisser les yeux. 

Quelque part, nous avons l'impression d'osciller entre trip et rechute. D'ailleurs, dans tout cet album, Zachary parle principalement de son addiction à la drogue, en particulier sur le remarquable Bent. Illustration de cet état terrible où le mal que l'on se fait nous paraît bon une fois que l'on a cédé :

"Yeah if it feels wrong, you can go on along. But once it feels right then you just lost the fight"

L'album se clôt par une ballade philosophique, constitué d'une seule phrase répétée à l'infinie : "It's no good it would be a waste of breath to tell a man who believes in me that he's got something better to do". La signification de ces mots est encore obscure mais celle-ci nous pose des questions. Faut-il rejeter l'autre, celui qui croit en nous, celui à qui l'on pense faire perdre son temps, alors que c'est nous qui perdons finalement notre bien le plus précieux, notre respiration, à le convaincre du contraire. 

Nous voilà dans un état étrange, entre douloureuses considérations métaphysiques et réminescences des envolées des premiers morceaux de l'album, où nous planions à l'aise. Nous avons finalement l'impression d'avoir pris un shoot d'héroïne, et de nous retrouver aussi démuni que Zach.