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Live-Report
Feral & Stray + Agnès Obel à La Laiterie

17 mai 2014
Rédigé par François Freundlich

Des demoiselles ardentes avaient envahi la salle de La Laiterie pour ce concert qui devait originellement s’inscrire dans le cadre du Festival des Artefacts en avril. Agnès Obel ayant connu un décès dans son entourage, elle revient pour la dernière date de la tournée en compagnie de la Canadienne Feral & Stray en première partie. 

Originaire de Montréal et exilée en Allemagne, Erin Lang alias Feral & Stray s’installe seule sur scène avec quelques pédales, dispersant une ambiance orageuse pour introduire son concert de manière assez mystérieuse. Elle accompagne une douce voix aiguë et discrète d’une guitare électrique tranchant avec la légèreté des compositions. Erin joue de ses pédales, développant des paysages sonores sibyllins enlaçant une folk irradiante. Dispersant une atmosphère intimiste, Feral & Stray impose la quiétude à un public attentif. Sa musique se ressent toute en fredonnement et en silence : les grands espaces nous viennent à l’esprit sur ces résonances d’échos prenant parfois le dessus sur les orchestrations. Ces sonorités qui semblent nous murmurer à l’oreille nous rappellent certains groupes à hérissement rapide comme Evening Hymns ou Julie Doiron. On se surprend à fermer les yeux pour mieux se laisser emporter. La Canadienne lâchera finalement sa guitare pour se saisir d’une Autoharpe Q-chord, pendant électronique de la cithare. Les sonorités se font plus profondes, organiques et spirituelles avec quelques bruits de nature pour nous téléporter davantage. Le dernier morceau sera joué sur une Sansula, petit instrument entre la guimbarde et le xylophone, pour une composition sortie d’une maison de poupée accompagnée d’une voix féerique. Nous avons engrangé notre dose d’émerveillement pour un bon moment.

La tête d’affiche de la soirée débute dans une pénombre glaçante. La Danoise Agnès Obel est accompagnée de deux musiciennes belge et canadienne, elle est donc la seule de la soirée à ne pas parler français, ce qui vaudra quelques blagounettes au milieu d’un concert assez sérieux. Visuellement, la mise en scène est assez minimaliste puisque Agnès reste derrière son piano cachée par ses cheveux, même si la violoniste et la violoncelliste occupent l’espace. Une certaine perfection se dégage de ses compositions tournoyantes, les cordes s’enchevêtrant délicatement aux notes de piano froides et pénétrantes. La musique d’Agnès Obel est précieuse, manipulée avec précision et semble sortie d’un écrin que la Danoise nous expose du bout des doigts. Sa voix semble plus chaude et marquée que sur les versions studio des morceaux, on sent qu’une longue tournée s’achève, mais cette fatigue donne un cachet nébuleux et beaucoup moins lisse aux morceaux, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Son émotion est en tout cas extrêmement palpable lorsqu'elle dédicace la gorge serrée, un morceau à son ami disparu. Les chœurs de ses acolytes l’aident à parachever certaines parties, faisant flotter le public dans une apesanteur silencieuse et contemplative. Les deux titres marquants resteront Riverside, à la délicatesse intérieure déchirante, ainsi que Dorian, extrait de son dernier disque, à la rythmique plus saccadée et aérienne. La beauté était bien sur scène ce soir-là.

Nous suivrons avec attention Feral & Stray, auteur du très beau disque Between You and the Sea aux orchestrations de cuivres et cordes plus marquées que sur cet acte en solo.