Webzine indépendant et tendancieux

Live-Report
Grand Blanc + Le Prince Miiaou à La Laiterie

14 octobre 2018
Rédigé par François Freundlich

Pour la première date de leur tournée, les Messins de Grand Blanc inauguraient leur nouveau disque dans la salle strasbourgeoise de La Laiterie. L’un des meilleurs groupes de rock français actuel était attendu par un public déjà conquis par ce deuxième disque, qui n’est que la confirmation de tout le bien que l’on pense d’eux. En première partie, l’envoûtante chanteuse du Prince Miiaou est chargée de démarrer la soirée.

 

Habillée d’une armure en plastique rouge comme pour se protéger, Maud-Elisa Mandeau, tête pensante du projet Le Prince Miiaou, s’avance légèrement introvertie à l’avant de la scène. Elle est accompagnée d’un batteur pour disperser son rock ombrageux teinté de synthétisme enivrant. On se laisse immédiatement embarquer par les compositions extraites de son nouveau disque Victoire, que l’on découvre avec ces versions live. Celles-ci s'imposent à nos oreilles, comme pour nous parler directement avec une certaine évidence : nous restons scotchés face à cette fragilité dans la voix opposée à ces sonorités de guitares électriques parfois abruptes rappelant PJ Harvey ou Fever Ray, dans les arrangements électroniques. Les morceaux s’étalent dans des longueurs complexes, labyrinthiques et subtiles, avec ce côté organique qui nous tient en haleine. Son keytar, clavier porté comme une guitare, lui donne un sacré style ajouté à son armure de chevalière hors pair. Le chant majoritairement en anglais laisse parfois sa place à des titres en français, comme No Compassion Available avec ce texte théâtral parlé complètement bouleversant, pour un moment hors du temps. Elle achèvera le show en s’essoufflant dans un sifflet, avouant plus tard se sentir comme Rose de Titanic pendant ce moment particulier. Le Prince Miiaou nous a éblouis de sa classe pendant un concert très marquant. Brûlure de chair.

 

La tête d’affiche du soir est attendue par un public bouillant et prêt à en découdre. C’est dans la pénombre habillée de l’introduction de leur titre Surprise Party que Grand Blanc s’installe sur scène. Le tube qui ouvre leur premier album Mémoires vives lance idéalement le concert de son rock orageux et traînassant, éclairé par la voix tout en langueur de la chanteuse Camille Delvecchio. Le groupe a beaucoup misé sur l’ambiance scénique, puisqu’ils nous ont apporté un lightshow qui pourrait presque être celui du Stade de France : lumière stroboscopique dans tous les sens et machine à fumée qui a dû se vider dès leur premier soir de tournée. Comme le groupe jouait en plus en arrière-scène, on n’a malheureusement pas vu grand-chose du concert à part des clignotements, mais on a au moins profité du son. Le désagrément d’essuyer les plâtres. Les lumières bleutées et rougeoyantes s’enveniment sur Los Angeles, l’un des titres pop-indus du nouveau disque Image au mur, hyper entraînant. Camille prend le lead vocal sur le début du concert en enchaînant avec le tube de leur premier EP, Degré Zéro, qu’on écoutait en boucle en 2014. On le connaît toujours par cœur, et ses « élans de la mélancolie » surmontée de synthés sont toujours aussi jubilatoires.



On sent Grand Blanc se rapprocher de la pop avec Belleville, annoncé comme un hommage à leur quartier qu’ils adorent. Sa guitare acoustique en mode anti-folk nous a immédiatement charmés, doublée par la voix profonde et maniérée de Benoît David, toujours aussi envoûtante. Une rythmique à la Arcade Fire nous réjouit tandis que l’on répète "Belleville Belleville Belleville" à l’unisson. Sur les quelques excitations post-punk, le public lance un mini mouvement de foule, rapidement rejoint par le chanteur qui se mêle à nous, ce qui nous permet de voir enfin son visage. Camille, tout en noirceur, s’avance finalement sur l’avant de la scène pour interpréter son titre préféré, Ailleurs, qui débute comme un hommage à Françoise Hardy sur fond de synthé éraillé. Ce titre pop aux relents de The Cure chante l’amour et l’absence avec une fébrilité rarement entendue. Un grand moment de French Pop que cette chanson où la voix atteint une intensité qui nous surprend à chaque instant. La fin du concert sera bien plus folle, puisque Verticool et sa rythmique technoïde est chargée, avec réussite, d’exciter complètement la fosse, qui se perd dans les sauts et la danse. Pas de mouvements inutiles, ou pas. Pour le rappel, c’est l’émouvante Montparnasse qui est interprétée en solo par l’écorché Benoît, pour un passage organique toujours très prenant. Le concert s’achève sur une version électrique Joy Divisionesque de Samedi la nuit, dans la chaleur et la fièvre la plus totale.

 

Grand Blanc a donné de l'amour et a certainement fait le plein d’énergie pour sa tournée à venir lors de cette première date. Le groupe a livré une prestation scénique tout en puissance, s’imposant comme l’un des tout meilleurs groupes français en live.