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Chronique de disque
Grandaddy - Last Place

25 février 2017
Rédigé par François Freundlich


Grandaddy - Last Place

Sortie le 3 mars 2017

Note : 5/5





Un grand groupe comme Grandaddy peut-il revenir après dix ans d’absence et rattraper ce temps avec un album géant ? Il semble bien que oui à l’écoute du cinquième album de la troupe de Jason Lytle où l’on retrouve ces grands morceaux de pop marquants qui s’enchaînent, une fois, deux fois, douze fois…

 

Quel bonheur de retrouver la voix inspirante de Jason Lytle et ce son à la fois spatial, lo-fi et cotonneux. Une voix qui semble toujours juvénile tout en ayant mille moyens différents de s’exprimer. Grandaddy revient à la base de ce mélange d’expérimentation et d’élégance qui a inspiré tellement de groupes des années 2000, de Phoenix à Beach House. Des titres qui sonnent comme des classiques immédiats aux allures d’îlots paisibles et hors du temps, hors de tout. La frontière entre la béatitude et la déviance est toujours floue avec les Californiens, les bonnes idées succédant aux bonnes idées. On alterne entre des passages rimbaldiens, comme chantés à tue-tête et des guitares acérées avec des changements de rythme succédant parfois aux crescendos épiques. Clair et obscur à la fois.

 

Dès l’introduction sur Way We Won’t, single par excellence avec son gimmick synthétique entêtant, on sait que cet album va nous poursuivre en 2017. Les nappes de synthés enivrantes s’enlisent dans ces accords de guitare si simples mais si puissants, prenant parfois la forme d'une boucle instrumentale sombre et répétitive contrebalançant la douceur de la voix, comme sur Brush with the Wild qui provoque vite l’obsession. L’excellente The Boat is in the Barn et son refrain mélancolique, sensuel et rêveur ralentit la cadence avant que la face rock de Chek Injin ne reprenne le dessus. On s’émerveille sur That's What You Get for Gettin' Outta Bed, ballade frissonnante rappelant Elliott Smith dans ce reflet de la lassitude du monde moderne. Les arrangements de cordes de This is the Part apportent une dimension supplémentaire, une force d’universalité invoquant The Beatles avec ce piano dépouillé et lumineux.

 

A Lost Machine est un autre très grand morceau de l’album avec cette mélodie touchant au sublime, stoppant la rotation de la Terre lorsqu’elle est lancée, puis parvenant à la relancer lentement au fur et à mesure que le final approche. Un piano-voix dramatique et ultime débouche sur ces phrases répétées, « Everything about us is a lost machine », en symbole torturé du mal-être électronique de l’Homme moderne. Grandaddy touché par la grâce. Une douce ballade en guitare-voix conclut l’album avec une touche d’espoir, car on aime aussi cela chez Grandaddy : ils aiment nous réconforter en disant que tout n’est pas perdu.

 

Pelotonnez-vous entre vous, on s’occupe du reste. La beauté des compositions de Last Place nous surprend à chaque instant, jusqu’à la dernière note.

Un grand disque tout simplement.