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Live-Report
Jessica93 + J.C. Satàn à La Laiterie

26 février 2018
Rédigé par François Freundlich

C’était soirée « j’envoie du pâté » à La Laiterie de Strasbourg en ce samedi de février. La rage de Jessica93, qu’on découvre dans une configuration groupe après l’avoir vu quelques fois en solo, succédera à l’un des meilleurs groupes français actuels : les foufous de J.C. Satàn.

 

Les Bordelais sont toujours impressionnants lorsqu’ils s’installent sur une scène, car il semble qu’ils vont en déborder de toute part. Ils ne sont pourtant que cinq, mais dans notre tête, ils sont dix. Sans compter J.C. et Satàn. Les déferlements de guitares nous embrasent littéralement grâce à un mur du son qui décoifferait le plus gras des fixateurs capillaires. Le groupe profite de ce début de tournée pour proposer de nouveaux titres de son nouvel album à sortir le 2 mars et qui s’annonce très pêchu étant donné le set très énervé. On affectionne le mélange des deux voix masculine et féminine qui apporte cette profondeur aux morceaux. Ces voix peuvent être autant mélancoliques dans les parties bluesy que joyeuses dans ces refrains tirant vers la pop entraînante. Les instrumentaux prenant la forme de longues montées de rock rugueux et trépidant voient les musiciens s’exciter sur leurs guitares torturées, basses grasses et autres claviers nappés. La chanteuse Paula, félinement tatouée, n’hésite pas à s’agenouiller, atteignant une quasi-transe en rudoyant ses maracas. Entre deux gorgées de whisky, le chanteur Arthur déploie toute la puissance de sa guitare, rappelant parfois Queens Of The Stone Age sous acide. J.C. Satàn ne s’est pas calmé, mais on aurait aimé une plus grande variété dans l’enchaînement des morceaux, puisqu’on en ressort avec l’impression que tout est joué à fond, sans temps mort. Juste un gros moment de rock’n’roll sans fioritures.

Le gros morceau reste pourtant à venir avec le Parisien Geoffroy Laporte, alias Jessica93, ancien one-man-band prenant cette fois la forme d’un quatuor. Les gimmicks de guitares acérées commencent dès l’entrée en scène avec Asylum, qui nous place directement dans l’ambiance d’un rock précis et décomplexé. Ce sont d’anciens titres qui ouvrent le set avec notamment la basse post-punk de Karmic Debt, accompagnée d’une rythmique métronomique portée par le dessinateur et musicien David Snug. On attendait beaucoup les titres de l’un des meilleurs disques sortis en 2017, le très grunge Guilty Species et son fameux single cradomélancolique R.I.P. In Peace dédié à Kurt Cobain. Le chanteur reste dans sa veine, les cheveux cousin-machinés devant le visage, même si la voix tient davantage de Stephen Malkmus (Pavement) que de Kurt, qu’on retrouvera davantage sur Venus Flytrap. Les boucles de guitares nous poussent à remuer de la tête infiniment, pour nous emporter très loin avec elles. Malgré l’ampli toasté au deuxième morceau et la courte pause, permettant à David Snug de lâcher le prix du cachet à 85 €, Jessica93 ne lâchera rien dans ce live, plaçant le groupe très très haut dans nos cœurs. Sombre et angoissante, la musique de Jessica93 s’inspire du rock indé des 80’s et 90’s pour l’amener dans une époque contemporaine avec une certaine forme de génie incompris. L’expérience se veut avant tout organique, basée sur des répétitions de riffs jusqu’à nous en retourner le cerveau. Elle se termine avec le marathon incantatoire Anti Cafard 2000, dont la force sépulcrale séparerait l'exosquelette des corps des insectes les plus voraces. Les guitares, batterie et autres MPC sont finalement jetés au centre de la scène dans un amas autant matériel que sonore. Oh non ils ont tout cassé. 

Ce double mur du son franchi dans la petite salle du Club Laiterie avec Jessica93 et J.C. Satàn n’a pas franchement arrangé l’état de nos tympans, mais a fait vivre un sacré moment de défoulement général dans le public.