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Live-Report
Kid Karate + Black Rebel Motorcycle Club + Dead Combo à La Laiterie

18 février 2014
Rédigé par François Freundlich

Black Rebel Motorcycle Club + Kid Karate + Dead Combo
La Laiterie, 15 février 2014



Le Festival des Nuits de l’Alligator offrait cette année encore une tournée dans les quatre coins de la France avec une programmation pointue et alléchante. Pour cette escale alsacienne, la tête d’affiche Black Rebel Motorcycle Club est accompagnée par les fougueux Irlandais de Kid Karate et par les Américains de Dead Combo.

Ces derniers entrent en scène en blaguant avec les premiers rangs : le duo ne se prend pas au sérieux mais délivre un blues rock torride et tortueux. La voix éraillée est braillarde, accompagnant la saturation grave des deux guitares énervées par des boucles forçant le mouvement de tête compulsif. Les pédaliers de Dead Combo sont mis à rude épreuve avec des effets aussi nombreux que les tatouages sur le corps du chanteur vêtu de cuir. Le duo d’origine finlandaise mais ancré à New York navigue entre l’électro apportée par quelques beats synthétiques (lorsque le chanteur se penche sur son clavier) et un punk ravageur en permanence sur le fil du rasoir. Ils seront rejoints par Peter Hayes de BRMC, caché derrière une écharpe, pour un titre s’inspirant beaucoup de la tête d’affiche du soir, comme plusieurs de leurs morceaux.

Les percutants Dublinois de Kid Karate sont l’autre duo du soir. Le chanteur et le batteur sont placés chacun à l’autre bout de la scène mais se déchaînent complètement, donnant l’impression d’être beaucoup plus nombreux de par l’ampleur du son. Kevin Breen vocifère de toute sa voix tendue et bluesy en sautant sur place sans jamais s’arrêter. Leur tube Two Times est joué dès le début du set, lançant le show avec cette montée électrique rappelant The Black Keys, d’une simplicité et d’une efficacité redoutables. La batterie de Steven Gannon est maltraitée, imposant un rythme salissant une guitare qui déviait vers des aigus agités. Kid Karate dévoile sa face dansante avec This City et sa guitare à reverb ainsi que sa voix allant piocher dans des aigus délirants. L’autre tube du set, Heart, est accompagné d’une boucle de synthé doublée par une guitare brute rappelant The White Stripes et un texte citant Fever Ray. Kevin terminera sa course dans le public pour un solo jubilatoire au milieu d’une fosse échaudée. Kid Karate était bien la touche de fraîcheur de la soirée avec ses compositions abruptes et taillées comme un diamant.

Le trio attendu depuis le début de soirée par ses nombreux fans lookés entre finalement en scène : les Californiens de Black Rebel Motorcycle Club vont proposer des extraits de leurs sept albums, même si les rares titres du premier B.R.M.C. datant de 2000 sont toujours les plus enivrants. L’accent est mis sur les extraits de leur dernière livraison Specter at the Feast dès le début du concert, si l’on excepte une reprise de The Call (le groupe du père de Robert Levon Been, chanteur et guitariste) : Let The Day Begin. Côté public, c’est l’extase puisque la foule saute et danse dans une marée humaine, réchauffant l’atmosphère, faisant tomber les cuirs des épaules du groupe. Sans cesse tenaillés entre leurs bases country-folk lorsqu’ils sortent l’harmonica et leurs aspirations punk, les deux frontmen alternent entre guitares acoustiques et électriques. Les deux voix nonchalantes et dylaniennes se répondent en restant en retrait d’instrumentations diaboliquement efficaces. Si la batteuse Leah Shapiro (Ex-The Raveonettes) fait plaisir à voir derrière ses fûts, déchaînant une rythmique haletante, les morceaux tournent parfois en pilotage automatique et l’on ne retrouve pas cette fraîcheur qui nous a tant remué les tripes pendant Kid Karate. La bluesy Ain’t No Easy Way nous réveillera après un début de set manquant de punch. Le concert ira crescendo avec l’apparition de titres plus anciens. Sans se perdre dans la démonstration et restant recroquevillés sur leurs instruments, les BRMC égrènent leur lancinance et leurs boucles graves faisant vibrer les organes. La première partie du set s’achève sur Spread Your Love, enflammant encore plus le public qui déclame les « Spread your love like a fever » en chœur dans un pur moment de blues rock. Le début de rappel sera entièrement acoustique unplugged avec Complicated Situation et Shuffle Your Feet proposées dans des versions folk sous forme de moment de délicatesse au milieu de ce concert bestial. Mais l’ultime défouloir intervient sur le dernier morceau : le fameux tube Whatever Happened To My Rock’n’Roll, la punk song parfaite des années 2000 qui termine de nous décrasser les tympans.

C’est dans une Laiterie surchauffée que s’achève cette soirée ayant vu s’enchaîner trois groupes transpirant le rock’n’roll. Et qu’est-il arrivé au rock’n’roll ? Les ceintures noires de Kid Karate ont fait sensation, faisant presque de l’ombre à la tête d’affiche qui aura néanmoins su se rattraper sur la fin de son set. Les chats étaient bien noirs ce soir.


Photos de Patrice Hercay

BRMC + Kid Karate