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Live-Report
Le Prince Miiaou + Sarah W. Papsun à La Laiterie

20 mars 2014
Rédigé par François Freundlich

Le Prince Miiaou + Sarah W. Papsun
La Laiterie, 14 mars 2013



On craignait que la colère des cieux ou pire, de leurs représentants bariolés sur Terre, ne s’abatte sur La Laiterie ce soir. Car oui : Sarah W. Papsun est bien un groupe de garçons et Le Prince Miiaou est bien une fille et non un chat. Avec cette inversion des genres propice à toutes les perfidies, qui sait si nous en sortirons indemnes ? Non, en vrai, ça s’est bien passé.

Sous le signe du W géant qui trône sur leur grosse caisse, les six de Sarah W. Papsun sont légèrement serrés sur la petite scène de La Laiterie, mais les collisions ne leur font pas peur. Déployant une rythmique effrénée, les Parisiens n’hésitent pas à quitter leur poste pour aller titiller leurs collègues tout en continuant à remuer frénétiquement. De notre côté, nous sommes déboussolés par un début de concert très électronique, avec un synthé, des beats et une batterie tout en énergie nous prenant un peu à froid. On prend conscience de l’évolution du groupe depuis leur concert aux Transmusicales de Rennes 2012 où un math rock déchaîné était davantage mis en avant, mais il s’agissait d’un hall géant à quatre heures du matin. Heureusement, les guitares reprennent le dessus vers le milieu du set alors qu’on se raccroche à la voix grave du chanteur, qui évolue dans une certaine gravité teintée de quiétude. Les Sarah W. Papsun sont bien la digne réponse hexagonale à Foals ou Breton, comme l'a confirmé leur dernier album Peplum et sa superbe pochette. Le single At The Disco est reconnu par le public, même si cette incursion pop n’est clairement pas le meilleur titre. Le groupe s’excite de plus en plus, le guitariste à lunettes aux faux airs de Tarentino dans "Une Nuit en Enfer" ira même faire un tour dans le public. Les Papsuns déchaînent de longs instrumentaux croisant synthés inquiétants et déferlements de guitares. Ils termineront sur une version dantesque de Night, prolongée par Territorial Pissings de Nirvana couverte par les stroboscopes. Énergie et folie furieuse, voilà un groupe qui n’a rien ménagé, même pour la première date de sa tournée.

La féline princesse Maud-Elisa Mandeau, alias Le Prince Miiaou, investit ensuite la scène avec son groupe, lançant le concert de son dernier single en date Beloved Knife dont le clip incluant des chats malades avait été mis en ligne le même jour. La frêle rockeuse s’embrase avec une grande sensualité et une force intérieure contenue qui attire en permanence le regard. Elle ne se prend pourtant pas au sérieux, demandant un mouchoir au public en précisant avoir le nez qui coule. Le Prince Miiaou triture ses pédaliers pour modifier sa voix qui félin possible, passant du très grave au très aigu comme une cantatrice du "Cinquième Élément" en legging. La surprise est alors totale puisque sa voix suave devient multiple et complètement déviante, de même lorsqu’elle se saisit d’une flûte à bec, rappelant à chacun les pires tortures endurées par cet instrument. Les arrangements au synthé et autres défoulements de guitare que la chanteuse fait résonner sont prolongés par un violoncelle frissonnant qui apporte énormément de profondeur aux compositions, comme sur l’énigmatique JFK. D’autres pop-songs moins subtiles comme Country Bliss s’excitent rapidement en un rock indé frénétique alors que les quelques spotlights jaunes nous rappellent quelque chose. La rage à double face de Ilda nous rappelle la beauté torturée de l’Anglaise Scout Niblett ou encore la froideur de Bat For Lashes sur Happy Song For Empty People. Si ses morceaux sont quasiment tous en anglais, quelques textes en français résistent, avec notamment ce passage intrigant où elle nous explique comment elle se remplit par la jambe gauche avant de se noyer à l’intérieur d’elle-même et d’exploser. Le rappel clôturera également le concert en français sur J’ai Deux Yeux puis dans la quiétude de We Both Wait, bercée par la délicatesse du violoncelle et d’une voix apaisée. Le charme du Prince Miiaou aura marqué cette belle soirée.

Après un concert déchaîné des Sarah W. Papsun, Le Prince Miiaou a rétabli l’équilibre avec une subtilité dans les compositions qui nous aura autant agités qu’envoûtés.


Photos de Eric Schneider