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Live-Report
London Grammar + Demian Clav à La Laiterie

23 novembre 2013
Rédigé par François Freundlich

London Grammar + Demian Clav
La Laiterie, 16 novembre 2013



Quand on connaît l’importance que notre webzine attache à la grammaire ainsi qu’à la ville de Londres, nous ne pouvions décemment pas passer à côté du phénomène indie pop blonde venu de… Nottingham, London Grammar. Fort de leur récente médiatisation, le concert affiche complet depuis plusieurs semaines et le (grand) public s’impatiente devant la première partie.

Celle-ci est assurée par le Nantais Demian Clav, qui s’avance seul sur la grande scène pour déclamer ses poésies dans une langue anglaise quelque peu malmenée par un accent français rendant la compréhension des textes ardue. L’homme est en tout cas habité et se livre corps et âme avec une gestuelle assez maniérée pour déclamer ses textes de toute sa noirceur. Commencé avec un accompagnement sur bande, il est finalement rejoint par un claviériste, mais son batteur et son bassiste manquent malheureusement à l’appel. Sous ses allures de mini-dandy se cache une mélancolie perceptible. Si certaines longueurs se font ressentir, peut-être dues au manque d'instruments, la prestation est convaincante. Un certain public dit « Grand-Journal-on-vous-explique-tout » ne le respecte pas et passe son temps à le conspuer, car il ne répond apparemment pas à ses critères fermés. Il est heureusement peu nombreux car la majorité passe un bon moment et se voit surpris lorsque Demian Clav se met subitement à hurler puis à calmer le jeu en brandissant un miroir au public, puis en allumant une bougie sur sa table de chevet. Cette première partie a eu le mérite de créer un choc des cultures avec un public très généraliste et peu habitué à ce genre de prestations.

Les London Grammar débarquent finalement sur la scène, cette fois sous les acclamations et hurlement générals (faute de grammaire incluse). Leur apparente jeunesse surprend autant que leur son, qui nous saisit immédiatement. Hannah Reid s’échauffe la voix sur la minimaliste Hey Now interprétée en simple piano-voix. Sa voix grave résonne dans une froideur cataclysmique qui force le silence et la contemplation. Seul un djembé inattendu parvient à nous faire légèrement tourner la tête vers le claviériste / batteur Dot Major : pour une fois que cet instrument ne nous donne pas immédiatement la migraine, il fallait le signaler. Le guitariste est quant à lui extrêmement discret, il n’ajoute que quelques notes lointaines et planantes aux lentes mélodies du groupe, contrairement à la charismatique chanteuse. La batterie jazzy fait finalement son apparition lorsque Hannah s’installe au piano. De la pop de chambre des London Grammar ressort alors un spleen rêveur et glaçant comme sur Interlude. On pense parfois à The XX dans ces instrumentations minimalistes aux beats maîtrisés, même si la voix se fait beaucoup plus puissante sur Strong, la rapprochant davantage d’une diva pop. Dot se targuera de quelques mots en français, louant le public hexagonal et strasbourgeois, ce qui fait toujours son effet. Ce dernier se plaît à taper dans ses mains sur chaque rythme, nous confirmant que l’on a bien basculé dans le mainstream. La fin du set verra l’enchaînement des plus grands tubes du groupe (ou d’autres groupes). Est-ce opportuniste de reprendre deux titres phares pour deux générations différentes comme Nightcall de Kavinsky et Wicked Game de Chris Isaak ? Sûrement, mais heureusement, il n’y a pas eu de Get Lucky en deuxième rappel. Ce Nightcall Londongrammarisé est interprété en roulant au pas, avec un simple piano sur une voix imposante qui s’envole toujours plus haut. Les beats font finalement leur apparition au moment où il manquait clairement quelque chose. Le titre est évidemment enchaîné avec le tube des London Grammar : Wasting My Young Years, bien plus dansant que le début du set. Il était temps de se remuer un peu, car trop d’ataraxie peut geler bien plus que les cœurs. Une plaisante reprise de Wicked Game conclut donc le concert, même si elle n’atteindra pas l’intensité de l’original (ce qui est par ailleurs certainement impossible).

Le charme a agi avec ce trio en pleine ébullition depuis quelques semaines, qui a pleinement confirmé sur scène son statut de grosse révélation de l’année 2013. Ici Londres, c’est un sans-faute. 


Photos de Eric Schneider