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Live-Report
Patrick Watson + Last Ex

07 décembre 2015
Rédigé par François Freundlich

Une soirée avec des groupes de Montréal à l’affiche est souvent une soirée réussie et pleine de surprises. C’était bien ce qui nous attendait à La Laiterie avec le crooner folk Patrick Watson et sa joyeuse bande, accompagnés par le groupe instrumental Last Ex en première partie.

Oliver Fairfield et Simon Trottier, duo fondateur du groupe Timber Timbre, ouvrent la soirée avec leur projet Last Ex. Dispersant des sonorités mystérieuses et cinématographiques (ils ont notamment collaboré sur des BO de films d’horreur), Last Ex nous plongent dans des étendues sonores où les claviers se prolongent sans cesse pour rejoindre des guitares contenues et malicieuses. On parlerait davantage de post-pop que de post-rock pour cet orchestre instrumental signé chez le prestigieux label Constellation. On est bien éloigné des structures classiques que le public a l’habitude d’écouter mais celui-ci semble s’être fait manipuler le cerveau par ces guitares irradiées, parfois lo-fi, assemblées à quelques samples bien connus comme ce passage repris au Silence de Portishead sur le titre Resurrection Drive Part I. Le son dévie sans cesse de sa trajectoire initiale comme sur Hotel Blues et ses amplifications cosmiques faisant penser à Ennio Morricone dirigeant Godspeed You! Black Emperor dans un vaisseau spatial direction Saturne. Les méticuleux Last Ex nous ont envoûtés avec leurs orchestrations frémissantes, pointues et exaltées, perpétuellement battues par des vents contraires. Leurs échos singuliers révèlent un schéma de penser la musique en quête de perpétuelle évolution. Heureusement nous avions nos ceintures bien attachées.

Le Montréalais à casquette Patrick Watson s’installe derrière son piano à queue dans un coin de la scène de la Laiterie, devenue presque trop petite pour accueillir toute l’installation du groupe. Des ampoules géantes diffusent une lumière vaporeuse à l’arrière de la scène, clignotant ou se remplissant de fumée selon les morceaux. L’atmosphère de ce concert est donc particulière dès les premiers instants, avec cette introduction entonnée comme un opéra par la claviériste à la voix d’or et au pull en forme d’échiquier. Guidée par son piano sur la plupart des titres, la voix passionnée de Patrick Watson atteint des aigus angéliques. L’homme semble se transformer et se transcender sur chaque accord, surtout lorsqu’on le voit plein d’humour et d’autodérision une fois l’orage sonore dissipé. Sur quelques rares moments, le chanteur se lèvera pour s’installer au centre de la scène avec sa guitare, ce qui donnera encore plus d’allant à la prestation, et davantage avec ce lightshow impressionnant de rayons verts traversant toute la salle. Mais ses mouvements saccadés derrière son piano nous feront presque le même effet, nous faisant sourire lorsqu’il se saisit de son ukulélé pour terminer un titre en douceur. Les arrangements et la précision font la force de morceaux déviant le plus souvent de toute structure préméditée, comme sur l’excellente Turn Into The Noise (bien connue des amateurs de la série The Walking Dead) qui achèvera la première partie du concert dans un tourbillon grondeur et trépidant. Néanmoins, quelques passages relevant plus de la pop variété plus conventionnelle nous laisseront davantage de marbre. La troupe reviendra pour un passage acoustique, se collant les uns aux autres à l’avant de la scène pour ajouter à la chaleur du tuba, du xylophone et des guitares. Patrick Watson se saisira même d’un mégaphone pour terminer le set dans la ferveur.

Cette soirée canadienne débridée nous a élevés très haut entre les nuages cosmiques de Last Ex et les mélodies lumineuses sans pesanteur de Patrick Watson.