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Live-Report
Ropoporose - Le Petit Bain

23 février 2015
Rédigé par Cannelle Garcia

Il fait un temps glacial sur les bords de Seine. C’est un temps à traîner en pyjama sous un plaid, un thé à la main. Et pourtant ce soir, il faut être au Petit Bain pour le 3ème Labo Pop ; la carte blanche offerte à Ropoporose, en l’honneur de la sortie de leur premier album, promet des découvertes tout à fait alléchantes avec Rach Tree et Le Feu.

On s’engouffre transis de froid dans la salle de concert du Petit Bain. Pas encore assez de monde pour se réchauffer. Mon manteau toujours sur les épaules, une bière à la main, je scrute la boule à facettes qui surplombe la pièce et qui, tel un bouchon sur l’eau, nous indique à quelle point la péniche tangue. Je la guette religieusement, je suis du genre mal de « mer » comme fille.
On s’installe  et chacun sort ses armes. Accrochée à ma bière bien trop fraîche pour espérer qu’elle me réchauffe, je commence à faire un tour d’horizon des instruments installés devant moi. Des machines, une guitare et même une harpe habillent la scène du Petit Bain.
La lumière s’éteint et nous plonge dans la pénombre. Le chanteur/guitariste de Rach Three entame son premier morceau. Il est seul sur scène mais emplit l’espace de sa musique folk teintée d’une obscurité envoûtante. Pour la suite du set, il sera rejoint par trois autres musiciens, l’une à la harpe, l’autre aux machines et le dernier accompagnant le tout à la clarinette et même, en cours de set,  à la scie musicale.
La folk de Rach Three est brute, subtile, les textes ciselés. Une musique qui, morceau après morceau,  prend son souffle, prend de l’ampleur, enfle, dans nos oreilles, s’étend jusqu’à notre poitrine et nous touche. Mais il ne faut pas se contenter de voir Rach Three comme un musicien folk. Il va plus loin que ça et les arrangements aux machines, la harpe, la clarinette  s’ajoutant à la partition, offrent une dimension supplémentaire donnant ainsi du corps à l’ensemble.
La fin du set arrive, je suis à bout de souffle, j’en aurais bien voulu encore un peu. Malgré la tentative de Rach Three de me piquer ma bière, je suis conquise. Il est définitivement à suivre en 2015, d’ailleurs un premier album, Sin Armor, devrait bientôt sortir.
Jusque-là, bien que n’ayant pas le pied marin, aucun incident à déplorer dû au tangage qui reste assez léger, je vous l’ai dit c’est ma grosse crainte de la soirée.
C’est au tour de Le Feu de prendre possession de la scène du Petit Bain. Les cinq membres entament leur set. Jonathan Seliman et Vanille Fiaux forment un joli duo accompagné à la basse, à la batterie et à la guitare. Leur set est rafraichissant, je retrouve les accents des morceaux de leur EP. Le Feu, ce sont des voix qui s’accordent et se complètent, dans une pop léchée et alléchante. Leur EP m’a vraiment enchantée. Mais une fois sur scène, je n’ai pas été emportée dans les volutes et l’onirisme de la musique. Je me suis sentie laissée de côté, et pourtant la salle était bel et bien là, à l’écoute, voire même dansante. Pour le coup je suis un peu jalouse de ne pas avoir pu choper l’accord qui m’aurait emmenée dans la danse de Le Feu.
Last but not least, la scène est vidée pour accueillir l’installation de Ropoporose. Batterie, guitare, clavier créent un ensemble ramassé au milieu de la scène. Pauline et Romain, même pas 40 ans à eux deux, investissent les lieux : c’est leur release party. Nous sommes tous réunis ce soir pour fêter leur premier album. Dès les premiers tintements de batterie, on voit qu’ils se sentent chez eux, et pour le coup, avec eux on se sent aussi chez nous. Devant moi se dessine un ballet, un ballet fraternel et complice, qui nous offre un mélange détonnant. En équivalent mèmes internet, ces deux-là sont un mélange de licornes, de petits chats mignons et de gif animés d’Adventure Time. Pour assurer à deux autant d’instruments et de partitions, ils se servent de boucles. La voix juvénile de Pauline est soulignée par des accords de guitare, des rythmes de batterie et les chœurs de son frère, subtils, puissants et complétement maîtrisés. Je me retrouve portée dans d'autres sphères, emmenée par Ropoporose. Chaque accord, chaque changement de rythme, chaque loop semblent avoir toujours eu sa place là. Les mouvements qui composent chacun des morceaux de Ropoporose sont justes et précis.
Dans leur pop indie, on retrouve des accords de Peter Kernel, la douce folie de Deerhoof, mais malgré tout un son unique. Le son de Ropoporose est jouissif. On voudrait que ça ne s'arrête jamais, et que ça reprenne encore et encore dans une boucle infinie.

A saisir et à écouter au plus vite, Elephant Love le premier album de Ropoporose.

Photos Alan Kerloc'h