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Live-Report
Sylvain Chauveau & Ensemble Nocturne + Last Ex + Chicaloyoh - BBMix

03 décembre 2015
Rédigé par Florian Sallaberry

Catharsis

Il m’est difficile de ne pas parler de mon ressenti. De décrire un concert de manière impersonnelle, la plus objective possible.  Il y a eu la psychose, l’inquiétude, la profonde tristesse, le deuil. Puis, il y a une semaine, ce magnifique concert d’Os Mutantes à Petit Bain, qui m’a fait un bien fou, ma catharsis.

Le retour dans une salle de concert n’est pas évident, on cherche des regards, on se dit que ce drame nous a tous touché de près. Que l’on connaissait forcément quelqu’un … Il y a des réflexes inconscients totalement stupides aussi, repérer les sorties de secours par exemple. Alors on ne peut s’empêcher de penser au calvaire que nos amis ont vécus.

Mais l’on ressent toujours autant de plaisir à se retrouver à « la maison » Petit Bain ou bien ailleurs. Même au-delà du periph’, à Boulogne Billancourt pour le festival BBMix. Là où l’an dernier, Bonnie ‘Prince’ Billy nous avait tellement ému. Si la disposition de la salle nous donne un peu l’impression d’être au cinéma, on se console très vite par l’acoustique irréprochable et l’écoute très studieuse de l’audience.

Ce vendredi, le carré Belle-Feuille accueille Sylvain Chauveau et l’Ensemble Nocturne, les québécois Last-Ex et Chicaloyoh en remplacement de Drame.

Sur scène, une table avec une couverture rouge. De multiples sampleurs, une guitare et deux mains de mannequin. Chicaloyoh est le projet solo d’Alice Dourlen, qui s’avance timidement jusqu’à ses instruments. Le concert sera composé de deux très longs morceaux. Le premier composé de samples de violons, batterie et de nappes électroniques. La voix d’Alice est très travaillée, remplie d’écho, caverneuse. Son chant habité semble être une incantation chamanique, elle semble possédée. En particulier sur la deuxième chanson, où elle se scotche un micro sur la bouche puis sur le ventre pour s’en servir de percussion. Très vite, je me recroqueville sur ma chaise. Les râles, cris et samples de respiration me mettent mal à l’aise. Cette ambiance anxiogène, qui m’aurait transcendé en d’autres circonstances, m’étouffe. Je n’étais pas tout à fait prêt pour les sons angoissants et torturés de Chicaloyoh.

Lorsque le prochain groupe entre sur scène, on distingue la silhouette massive de Simon Trottier. Le  guitariste de Timber Timbre est accompagné d’Olivier Fairfield, batteur du groupe québécois. Ils viennent nous présenter leur projet commun Last Ex en compagnie d’un claviériste. Le son du trio ressemble peu ou prou aux compositions de Timber Timbre, sorte de blues vaudou. Et l’on se sent au fin fond d’un bayou de la Nouvelle-Orléans, guidés par la rythmique impeccable du batteur. Parfois leur son évolue aux frontières d’un post-rock que ne renieraient pas leurs collègues de chez Constellation Records. La répétitivité des morceaux du groupe nous rappelle les compositions du groupe Beak>. Le technicien préposé aux lumières s’en donne à cœur joie, épuisant tous les effets possibles et imaginables. Je me surprends à oublier l’instant présent ébloui par un lens flare persistant.

Sylvain Chauveau est accompagné de l’Ensemble Nocturne, un orchestre de chambre : piano à queue, violoncelle, alto et clarinette. Présent au BBMix pour présenter les 10 ans de Down To The Bone, album de reprises de Depeche Mode. Pour l’occasion, une réédition et une première édition sous format vinyle est prévue. La relecture des morceaux du groupe phare des années 80 sous une forme minimaliste est un moment de grâce absolue. Rejetant l‘ultra-production des compositions de Dave Gahan et Martin Gore et l’omniprésence des synthétiseurs, il en extrait l’essence même de ces chansons, de fabuleuses mélodies et des paroles simples et belles. On se surprend d’ailleurs à les murmurer du bout des lèvres. Sylvain quitte son siège pour aller jouer du xylophone le temps de la relecture de Policy Of Truth ou utilise un jouet mégaphone pour ajouter de la profondeur à sa voix, d’une justesse impeccable. On retiendra la très douce reprise de Blasphemous Rumours ou celle, très émotionnante, de Never Let Me Down Again. C’est d’ailleurs une interprétation acoustique télévisuelle de cette chanson qui inspira le compositeur alors qu’il n’avait que 17 ans (en 1988). Après une très courte disparition, les musiciens reviennent car ils ne pouvaient pas « partir sans avoir joué  Enjoy The Silence ».

Words are very unecessary, they can only do harm