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Live-Report
Trisomie 21 à La Laiterie

08 novembre 2017
Rédigé par François Freundlich

Dans les années 80, cette époque idéalement caricaturée par la récente série Stranger Things, sévissaient des groupes montrant la vraie nature plus sombre de cette période ravagée par un système économique injuste. Leurs courants s’appelaient post-punk, new wave, cold wave… Parmi eux se trouvait le duo français Trisomie 21, ou plus simplement T21. Originaires de Denain, dans le Nord, ils ont publié plus d’une vingtaine d’albums jusqu’à ce qui devait être leur dernier en 2009, accompagné par un dernier concert à Paris. Les frères Lomprez ont pourtant décidé qu’ils avaient toujours des choses à dire en revenant cette année avec un nouvel album et une tournée qui débutait en ce mois d’octobre à la Laiterie de Strasbourg.

Acclamé par des fans qui ont pris les mêmes rides que leur groupe fétiche, même si la jeune génération est bien présente, le groupe va enchaîner les meilleurs moments de sa discographie en y intégrant de nouveaux titres attendus. On retrouve ses boucles synthétiques arrosées de beats, maniées par Hervé Lomprez et son visage grave et figé. Philippe Lomprez fait quant à lui résonner sa voix sombre et lancinante, d’une profondeur séculaire. Les deux protagonistes n’ont pas l’air très à l’aise, statiques et semblant parfois vouloir se cacher derrière leurs machines ou reculer le plus loin possible à l’arrière de la scène. Il vaut parfois mieux fermer les yeux pour apprécier pleinement le show qui ressuscite un son originel maintes fois copié mais rarement égalé. Se basant énormément sur les instruments enregistrés, on a parfois du mal à percevoir si les arrangements sont joués ou samplés : un côté acousmatique légèrement frustrant. Qu’importe, puisque les lignes de basse nous font frémir comme si on n’en avait jamais entendu de telles. Après des débuts planants, Philippe rappellera entre deux morceaux que certains textes sur l’état inégalitaire du monde écrits en 1986 sont toujours d’actualité.

Les orgues vaporeux se noient dans un psychédélisme ambiant, dirigés d’une main de maître par Hervé, comme sur le titre instrumental La Fête Triste. Le duo se comporte parfois comme un vieux couple, se reprochant quelques erreurs imperceptibles, ce qui a le mérite de nous faire sourire. L’apogée est atteinte sur l’excellent titre Il Se Noie, premier extrait de leur premier album datant de 1983. Cette basse aux accents pop n’a elle pas pris une ride, toujours aussi addictive, accompagnée par une voix aux accents chamaniques. Les beats technoïdes de Tender Now termineront la première partie du set, il s'agit d'un nouveau titre extrait du prochain album Elegance Never Dies. La voix y prend une texture robotique, ou quand T21 s’approprie les influences électro des 90’s pour les sublimer. Un rappel dantesque verra s’enchaîner trois titres des 80’s, avec notamment la basse frénétique de Joh’burg. Le petit nouveau du groupe, Gregg Anthe, y élève son instrument à une hauteur rendant hommage à tout le bien que T21 lui on fait pendant leur carrière, survolté par la guitare électrique d’Hervé. Le concert se terminera sur une version épique de The Last Song, dont les lignes de basse nous trotteront pendant longtemps dans la tête bien après le concert et qui nous aura fait danser pendant de longues minutes.

 

Nous partions avec un a priori sur ce retour de Trisomie 21, sept ans après : pouvait-on aller à la catastrophe ? Il n’en est rien puisque les fans les plus anciens les ont trouvés nettement meilleurs sur scène. Ceux qui sont nés un an avant la sortie de leur premier album les ont trouvé grandioses et uniques. Qu’on se le dise.