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Live-Report
Wall of Death + Hanni El Khatib à La Laiterie

12 décembre 2013
Rédigé par François Freundlich

Wall Of Death + Hanni El Khatib
La Laiterie, 20 novembre 2013



Nous étions partis pour une soirée avec les deux lobes des oreilles directement branchés à un ampli de vagues électriques et nous n’avons pas été déçus. Les deux groupes du soir, les Parisiens de Wall Of Death et l’Américain Hanni El Khatib, ne font pas vraiment dans l’acoustique, mais plutôt dans la puissance psychédélique pour les premiers ou le blues rock ténébreux pour le second.

Le trio de la mort lance la soirée sans round d’observation avec des assauts abrupts et lancinants, dans une lenteur perturbée de secousses sismiques. Les claviers vintage stridulent à tout va dans des résonances krautrock dès l’introduction sur Main Obsession. La voix se fait lointaine et planante lorsqu’elle ne laisse tout simplement pas s’exprimer de longs instrumentaux à tendance psychédélique floydienne. La guitare rappelle grandement celle de Syd Barrett, mais nourrie d’influences contemporaines, comme ces excitations rappelant les Black Angels. La puissante batterie peut s’accélérer subitement puisqu’elle est placée au centre de la scène pour une rythmique musclée mais restant la plupart du temps dans un tempo lent. On a parfois l’impression de se retrouver en plein désert avec ce son de guitare grave et légèrement déglingué surplombé par cette voix tout aussi sombre. Le stoner blues de Wall Of Death s’étend dans de longs crescendos pour des morceaux qui prennent leur temps, sans jamais repasser deux fois par la même case. La distorsion et la reverb extrême de la guitare à douze cordes se mêlent à des errements synthétiques multipliés et dissonants. La voix de Gabriel s’élèvera dans quelques aigus caverneux sur Thunder Sky et ses boucles électriques à vous faire tourner la tête. Ce titre plus accessible terminera idéalement un set qui aura fait trembler les murs.

La tête d’affiche du soir est l’Américano-Palestinien Hanni El Khatib, alias l’Elvis du troisième millénaire, alias le tombeur de ces dames. Hanni se jette sur scène pour un Head In The Dirt, titre éponyme de son dernier album, introduisant un son plus garage que le blues rock auquel il nous avait habitués. Sa guitare se fait lourde et grasse, délaissant les gimmicks dansants des tubes du premier album pour des chocs électriques extensibles tout en intensité. Ces influences punk sont symbolisées par une reprise des Cramps – Human Fly, qui ne rivalise pas au voltmètre avec l’original tant les trois guitares s’enroulent dans de diaboliques égarements bruitistes. Si Hanni a clairement musclé son jeu, il reste toujours aussi charismatique sur scène, derrière son visuel classieux d’une jeune femme embrassant une représentation de la mort, décidément omniprésente. La première moitié du concert est entièrement consacrée à son dernier album en date, faisant un lien parfait avec les Wall Of Death en restant dans ce permanent énervement. Il calme finalement le jeu avec le duo Penny / Skinny Little Girl aux aspirations pop plus présentes. Les solos de guitares du bluesman refont leur apparition, même si la voix, prenant plus d’importance sur ces titres, sonne de manière plate et fatiguée. Son fameux tube Dead Wrong fait finalement réagir le public, incité par Hanni à sortir de sa torpeur. Un mini-pogo se forme avec les quelques jeunes gens prêts à en découdre dans les premiers rangs. Les reprises concluront le show avec You, Rascal You de Louis Amstrong, pleine de tension, puis Heartbreak Hotel de Elvis Presley en solo, mais loin de la version studio puisque toujours aussi électrique et énervée. Hanni El Khatib a été généreux puisqu’il aura fait durer son concert pour un public qui s’est largement réveillé sur sa fin.

Nos tympans en ont pris un sacré coup avec cette doublette aux guitares acérées. On pensait que la soirée commencerait avec le set brut des Wall Of Death pour se calmer par la suite, mais Hanni El Khatib a bien prolongé cette tension pour quitter quasi définitivement ses influences blues rock et plonger dans le garage. Encore faut-il avoir une piscine dans son garage. 


Photos de Eric Schneider