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Live-Report
Les Nuits de l'Alligator : Heavy Trash + Sarah McCoy + Duck Duck Grey Duck

04 mars 2015
Rédigé par François Freundlich

Le festival des Nuits de l’Alligator faisait escale dans plusieurs villes de France dont Strasbourg avec une affiche plus qu’alléchante : le blues-rock des américains de Heavy Trash, groupe composé de Jon Spencer sans son Blues Explosion et de Matt Verta-Ray, la fabuleuse Sarah McCoy de New Orleans et sa voix à faire trembler les crinières et les Suisses de Duck Duck Grey Duck.

Nos amis les canards gris sont donc les premiers à entrer en scène. Ils ont en tout cas déjà gagné notre estime en vendant leur propre sauce tomate maison au stand de merchandising. Leur nom est de plus une référence au jeu enfantin qu’on appelle en français « le facteur n’est pas passé ». Le facteur prend ici la forme du charismatique chanteur à la tignasse proéminente, s’excitant sur une guitare bluesy pour des compositions laid back bercées par une voix lointaine qui pousse parfois dans de surprenants aigues. Un léger coté psychédélique ressort lorsque des échos s’échappent de leurs guitares cadencées sur un blues-americana à la rythmique bien marquée. Le groupe nous gratifiera d’une surprenante reprise de Au Pays des Merveilles de Juliet, ce classique de la chanson française de Yves Simon datant de 1973 au fort accent Gainsbourgien.

Nous attendons la diva de la soirée, l’ogresse de Louisiane : l’époustouflante Sarah McCoy. Elle s’installe devant son piano en se rappelant déjà au bon souvenir d’un public qu’elle a déjà croisé il y’a quelques mois dans un bar de la ville. Son amie qui officie au glockenspiel est au début du concert, entièrement recouverte d’un genre de costume zentai, au travers duquel elle parvient à souffler quelques bulles de savon. Cela a le mérite de rendre ce début de concert assez mystérieux. Elle l’enlèvera d’ailleurs lors une séance d’effeuillage plutôt rigolote. Auparavant, la voix rauque et profonde de Sarah McCoy nous aura déjà transpercél’épiderme une vingtaine de fois. Sa voix unique rappelle celle des divas des 60’s avec Janis Joplin ou Nina Simone en tête. Elle reprendra d’ailleurs des extraits de Summertime ou Feeling Good en ouverture du show. Un silence religieux s’impose et nous voilà en pleine contemplation de cette performance subjuguante emplie d’une soul intemporelle et tellement chaleureuse. L’américaine communique sa joie de vivre en deux morceaux en faisant crier le public qui lui est dévoué. Sa complice utilisera des bonbons crépitants en bouche en face du micro pour recréer une ambiance pluvieuse : idée de génie de la soirée. Sa performance sur Merry-Go-Round ou elle claque le pupitre du piano contre le bois en guise de rythmique restera comme un grand moment du show. Elle se lèvera entre deux gorgées de whisky pour chanter a capella tout en remuant ses dreads roses de haut en bas. Le concert se termine sur une chanson acrobatique ou Sarah Mc Coy s’allonge sur le dos en portant Alyssa sur ses pieds tout en jouant de la guitare. Une demoiselle du public viendra tenir le glockenspiel pour que la musicienne puisse jouer tout en se maintenant en équilibre. Sarah McCoy a encore livré une performance inouïe  ce soir à la Laiterie.

Pour terminer la soirée en beauté, les New-Yorkais de Heavy Trash, menés par un Jon Spencer en costume possédé par l’esprit d’Elvis vont mettre le feu. Leur rockabilly classieux va faire remuer nos membres de façon incontrôlable. Jon Spencer est inarrêtable, faisant glisser sa guitare dans de vieux bon accords de rock’n’roll tout en s’approchant au plus près du public en enchainant les « ladies et gentlemens this is Heavy Trash… ». Sa voix légèrement saturée fleure bon le sud des USA avec une ambiance From Dusk till Dawn. Matt Verta-Ray prend parfois sa place devant son micro pour des titres légèrement plus introspectifs mais toujours dansants. Ces derniers ont le mérite de varier une setlist dont les morceaux se ressemblent assez souvent. La contrebasse ne freine jamais et ces boucles infernales sont prolongées par la double rythmique d’un batteur accompagné du chanteur de Duck Duck Grey Duck sur un second kit. Le concert va en crescendo et les musiciens s’excitent de plus en plus dans des instrumentaux interrompu par ces voix reproduisant ces petits cris aigües de jouissance. Leur reprise de I Don’t Mind de James Brown fait mouche : ces quatre notes de guitares vont nous rester longtemps dans l’oreille après le concert. Le rappel sera encore meilleur puisqu’un batteur venu d’on ne sait ou arrive avec sa bouteille de Jack Daniels comme si son avion venait d’atterrir. La magie prend encore plus puisque son trio avec les deux chanteurs fonctionne encore mieux. Nos plantes de pieds ont dégustés, le concert se termine dans un déluge électrique et groovy.

De l’acoustique de la fabuleuse voix de Sarah McCoy au défoulement Heavy Trash, sans oublier les prometteurs Duck Duck Grey Duck, cette soirée marquée de l’empreinte du blues-rock en aura surpris plus d’un.